Alors que depuis une vingtaine d’années, les études sur les prises de risques ont connu un regain d’intérêts (Byrnes, Miller & Schafer, 1999 ; Ellis et al., 2012). Les comportements qui ont à la fois un coût humain terrible et une perte évidente de ressources pour la collectivité posent question, par exemple les conduites agressives, addictives, les conduites automobiles à risques ou les rapports sexuels non protégés. (Institute of Medecine [IOM] & National Research Council, 2011 ; OFDT, 2013).
En 2018, Netflix produit Elite - série espagnole dans laquelle un prestigieux lycée huppé accueille les enfants de l'élite (1), deux adolescents et une adolescente de la classe ouvrière ont l'opportunité d'y rentrer dans la saison 1.
Les adolescents et pré-adolescents de la série vont être particulièrement « sensibles » à ce genre d’activités mettant en évidence les mécanismes sous-jacents de ces comportements. Comprendre ces conduites à risques amènerait les politiques de santé et d’éducation à s’améliorer.
La « sélection sexuelle » (Darwin,1871) explique en grande partie les prises de risques, mises en évidence dans la génétique de la population par A. Fisher (1930) dans The Genetical Theory of Natural Selection. Dans lequel livre, Fisher met en avant la course-poursuite de l’évolution qui rendrait plus attractifs certains mâles, grâce à la préférence des femelles pour des traits « séduisants ». Ces traits là sont considérés comme relevant d’une « supériorité » génétique.
La théorie d’histoire de vie
Les modèles évolutionnaires et psychopathologiques ont récemment trouvé une structure d’analyse commune dans la Life-history theory (LHT) ou « Théorie d’histoire de vie » (Kaplan & Gangestad, 2005; Ellis et al., 2012), grâce notamment à la paléontologie et à l’anatomie comparée.
La théorie LHT postule que les organismes allouent leurs ressources différemment tout au long de leur vie (enfance, adolescence, âge adulte, post-ménopause) suivant leurs caractéristiques spécifiques (niveaux endocriniens, ressources financières et humaines). Par exemple le niveau de testostérone s'effondre chez l'homme devenu père pour allouer plus de ressources dans l'enfant que dans la recherche de partenaires. (Gettler, L.T., McKenna, J.J., McDade, T.W., Augustin, S.S., Kuzawa, C.W., 2012)
Les stratégies qui comportent une puberté précoce, des relations sexuelles tôt dans le développement, un nombre de partenaires importants, un grand nombre de progénitures et la recherche de récompense immédiate sont qualifiées de « rapides ». Les personnes généralement sensibles aux prises de risques représentent cette catégorie. Comme Marina dans la série.
A l’inverse, les individus présentant des signes de puberté tardifs, ayant moins de partenaires, plus stables avec peu de progénitures représentent en général une stratégie d’histoire de vie qualifiée de « lente ». Trivers (1972) montre que les hommes qui sont admissibles à l'accouplement (en vertu de préférences des femmes, souvent basées sur la qualité génétique) peuvent s'attendre à un taux de reproduction avenir relativement élevé. Ainsi les individus réussissant à trouver le meilleur compromis entre dépense parentale, augmentant la survie de leur progéniture, et le maintien de leur propre valeur reproductive résiduelle, devraient être favorisés en termes de sélection. (Williams, 1966)
(1) : <<Dès lors, il va falloir expliquer que l'Homme, bien que produit par son histoire évolutive - une histoire naturelle dont Darwin paraît avoir fourni les clés - et s'inscrivant à ce titre dans la continuité de son développement, va cependant acquérir la capacité de gouverner cette histoire jusqu'à y produire le contraire de ce qui jusqu'à lui la gouvernait : substituer, à la promotion des élites assurée par la lutte biologique, une égalité à conquérir par la lutte historique des classes - elle-même ordonnée au projet d'une société sans classes, c'est à dire sans lutte.>> Extrait tiré dans Darwin n'est pas celui qu'on croit. (2018) de Patrick Tort aux Editons Le cavalier bleu.
Byrnes, J. P., Miller, D. C., & Schafer, W. D. (1999). Gender differences in risk taking: A meta- analysis. Psychological Bulletin, 125, 367–383.
Darwin, C. (1871). Sexual selection and the descent of man. Murray, London.
Ellis, B. J., Del Giudice, M., Dishion, T. J., Figueredo, A. J., Gray, P., Griskevicius, V., Hawley, P.H., Jacobs, W.J., James, J., Volk, A.A. & Wilson, D. S. (2012). The evolutionary basis of risky adolescent behavior: implications for science, policy, and practice. Developmental psychology, 48(3), 598.
Fisher, R.A. (1930), The Genetical Theory of Natural Selection, Oxford, Clarendon Press.
Gettler, L.T., McKenna, J.J., McDade, T.W., Augustin, S.S., Kuzawa, C.W. (2012). Does cosleeping
contribute to lower testosterone levels in fathers? Evidence from the Philippines.
Department of Anthropology, University of Notre Dame, Notre Dame, Indiana, USA
Institute of Medicine & National Research Council. (2011). The science of adolescent risk-taking: Workshop summary. Washington, DC: National Academies Press.
Kaplan, H. S., & Gangestad, S. W. (2005). Life history theory and evolutionary psychology. The handbook of evolutionary psychology, 68-95.
Trivers, R.L. (1972). Parental investment and sexual selection. In B. Campbell (Ed.), Sexual Selection and the Descent of Mans, Chicago, Aldine.
Williams, G.C. (1966). Adaptation and natural selection. Princeton University Press.