Qui est Marcela Iacub ?





Marcela Iacub critique le « nouvel ordre sexuel » (Antimanuel d’éducation sexuelle, avec Patrice Maniglier, Bréal). À partir des transformations des règles de filiation apparues depuis le Code civil de 1804, elle montre comment l’accouchement est devenu une affaire d’Etat (L’Empire du ventre, Fayard). Elle a publié, aux éditions Stock, un recueil de ses chroniques pour Libération (Bête et Victime), et un « roman psychologique », Aimer tue.
Juriste née en Argentine, Marcela Iacub se fait infatigablement l’avocate de la liberté individuelle, notamment en matière de mœurs. Elle a publié, entre autres, L’Empire du ventre. Pour une autre histoire de la maternité (Fayard, 2004), Par le trou de la serrure. Une histoire de la pudeur publique, XIX-XXIe siècle (Fayard, 2008) et plus récemment De la pornographie en Amérique (Fayard, 2010). 


Savourez cette retranscription de l'émission On n'est pas couché du 5 avril 2014 : 

-D’abord merci d’avoir accepté notre invitation. C’est vrai ça ce que les gens disent sur vous ?
Elle a commencé, c’était plutôt la sociologue l’intellectuelle, plus ça va, plus elle a envie d’être populaire Marcela Iacub. Est-ce que ce livre rentre dans cette idée là aussi ?
-Moi je trouve que pour un intellectuel, un artiste, être populaire, c’est évident, on fait pas les choses pour les journalistes, on fait les choses pour le public.
-Vous trouvez qu’il n’y a plus assez de lecteurs à libération ?
-Je préfère pas donner un avis sur cette question maintenant.
Pourquoi ?
Non, mais…
-Continuez quand vous faites ça, j’adore. (elle se passe la main dans les cheveux) 
-Excusez-moi c’est un TIC. Il y a d’autres TIC encore plus moches. (Rires)
C’est normal d’arriver à un grand nombre de personnes, moi c’est l’essence même de ma vie de pouvoir changer la vie des autres. Quand on a décidé d’écrire comme ça, de se consacrer à la réflexion, c’est ça qu’on veut, c’est pour rendre ce que les livres et les oeuvres m’ont donné dans la vie, c’est les livres qui ont changé ma vie. 
-C’est parce-que vous avez vécu en Argentine, à l’époque de la dictature, le livre était banni, brûlé, et vous aviez même caché un livre chez vos parents.
-Oui, je l’ai caché, les militaires pouvaient faire visite dans les maisons, mes parents étaient plutôt intellectuels, il fallait brûler les livres, moi je sais pas, j’avais peut-être 11 ans, mon père m’avait donné l’oeuvre complète de Marx, et j’ai dit que je voulais pas les brûler, je les ai caché dans mon placard pendant 7 ans, et personne ne savait si la police venait, on pouvait être tués pour ça, c’ était un acte de bravoure stupide, mais bon…
-Donc le livre est très important pour vous. À quel âge êtes-vous arrivé chez nous en France ?
-24 ans
-Pour suivre vos parents.
-Non, pour fuir mes parents, vous voulez dire ? Je suis une exilée familiale, c’est ça ? 
-Vous dîtes je parle plus à ma mère depuis des années.
-Quand on a la malchance d’avoir une mère comme la mienne, le mieux à faire, c’est de ne plus la voir, j’aurais aimé avoir une mère formidable, je ne suis pas contre les mères en principe.
-Alors Oedipe Reine, chez Stock qui a été lu par nos camarades. Je ne vais pas redonner les extraits coquins tout de suite, c’est dommage qu’on ne puisse pas raconter la vengeance, puisqu’elle est terrible quand-même cette vengeance, cette femme qui fait l’éducation sexuelle d’une plus jeune femme qui est la fille de son amant, ex-amant, homme qui veut se marier avec elle, parce-qu’on n’a pas dit quelque chose d’important, elle est riche.
-« Elle devient riche » intervient Jean-Luc Moreau 
-Ah, vous l’avez lu ? répond Marcela
-Peut-être ! (Rires)
-En tout cas, c’est une excellente éducatrice au près de le jeune Sophie, elle lui apprend tout, la méduse, la sodomie, et elle apprend vite, la Sophie en question, elle se laisse facilement, elle est amoureuse, subjuguée par son éducatrice, d’abord je donne la parole à Natacha Polony, qui je pense à passer les mêmes moments que moi en lisant ce livre, écoutez je ne l’ai pas reconnu quand je l’ai vu cette semaine.
-N’en faîtes pas trop parce-que ça ne sera pas crédible. Disons que le côté, initiation sexuelle m’intéresse pas trop, moi ce qui m’intéresse, c’est de retrouver dans ce bouquin, toutes vos théories sur la libération, l’émancipation des femmes, la liberté sexuelle, disons tout ça retranscrit dans une trame romanesque, d’ailleurs c’est très amusant de voir la référence à Sade, parce-que c’est lui qui justement a montré ce que le libéralisme conçu comme l’extension des droits individuels pouvait construire comme société quand on poussait la logique jusqu’au bout. C’est l’idée, à force d’être dans le développement de l’individu on est dans la transformation de l’autre en objet et en fait, c’est en ça que j’ai trouvé amusant que vous construisiez cette fiction, cette idée toujours très libertaire, qu’on retrouve dans toutes vos théories, d’une émancipation, d’un développement des droits individuels mais qui pour moi, malheureusement ne semble pas aller très très loin, parce-que vous faites finalement de l’émancipation des femmes, de la libération sexuelle, l’alpha et l’oméga de la lutte des inégalités, on retrouve tout ça derrière, et je pense que ça limite énormément de la conception qu’on peut avoir des rapports homme-femme.
-Moi je crois que ce n’est pas ça le problème de la philosophie de Sade, qui est mal comprise aujourd’hui, je crois que Sade est un philosophe de la destruction qui peut-être, un des seuls qui peut nous permettre d’expliquer comment il y a eu autant de violences politique au XX siècle, pourquoi il y a eu Staline, Hitler, Mao ? c’est bien Sade qui peut expliquer ça, il faut quand-même le préciser parce-que des fois ce n’est pas bien compris.
-Sauf qu’il le fait sur la base d’une philosophie libertine qui justement ensuite atteint une phase libertaire. 
Aymeric Caron interrompt Natacha : « t’en as lu de ses trucs je te jure je t’écoute depuis tout à l’heure, où tu es allé cherché tout ça dans le livre ? franchement, moi j’ai fait une lecture beaucoup plus primaire.
-Parce-que j’ai lu tout le reste de l’oeuvre de Marcela.
Ruquier intervient  : «  nous on intellectualise les femmes et les homosexuels, vous comprenez, vous, vous voyez que des bites et des chattes dans le bouquin, obsédé,…
-Mais c’est exactement le contraire. On pourrait parler de ce qu’il y a devant avant de parler de ce qu’il y a derrière ?
-Natacha continue : « mais non, ce qu’il y a derrière, c’est ça, c’est le rôle de l’individu, c’est l’émancipation des femmes, c’est, est-ce que en gros, s’il faut absolument que les femmes…
-Caron demande en coupant Natacha si c’est un bon livre.
-Natacha répond : « moi ça m’a ennuyé, à la fois amusé, c’est à dire, cet excès de scènes que je trouve, bon.. voilà; justement un peu drôle, c’est pour ça que je suis allé chercher derrière le discours.
-Ruquier reprend : « c’est rapide, c’est un livre de 140 pages »
-On a le temps de se lasser, y en a beaucoup..
-Oui mais enfin, tout l’amour c’est lassant. 
-Sauf que là, on est sur autre chose, ce n’est pas tout à fait une question d’amour, on a quand-même l’impression en vous lisant que si on résolvait cette question de la jouissance des femmes, la question des inégalités les plus grandes homme-femme serait finie et donc les inégalités en général. 
-Pris comme ça, je dirai la chose suivante, à l’heure actuelle, les féministes radicales, dominantes, avec lesquelles je ne partage pas du tout leurs points de vue, c’est ça une des rages d’Aymeric contre moi, parce-que lui, il est…
-Non mais attendez, vous vous mettez en cause, j’ai le droit de m’exprimer, les hommes ont le droit de s’exprimer aussi, j’en suis navré pour vous, les discours que vous avez sur la prostitution par exemple, je partage certaines choses.
-Les féministes actuelles disent que les femmes sont dominées parce-qu’elles sont sexuellement exploitées, on voudrait 
nous transformer en ressources sexuelles pour les mâles et c’est pour ça qu’on veut pénaliser les clients de prostituées (1), on veut interdire la pornographie, alors euh, moi j’ai dit, peut-être, euh au-delà de consentir un rapport sexuel, évidement, ou bien de ne pas le vendre, c’est très important; les féministes ne le font jamais, de se demander : est-ce que les femmes ont du plaisir ? Question qui est politiquement absente de leur problématique. 
-Polony : « parce-qu’il y a un moralisme, la question chez eux n’est même pas la question du plaisir, mais celle du désir, il ne peut plus y avoir de rapports sexuels sans désir sinon c’est mal… or le désir il est transparent, il est complexe.
-Mais excusez-moi, c’est vrai que c’est indéniable, que les hommes ont une attitude assez dégueulasse avec les femmes, si vous voulez du point de vue descriptif et logique, les hommes ne sont pas admirables, très vulgaires, très grossiers, etc, … je pense même que les notions, les mots, « baiser » par exemple, moi je suis toujours étonnée, ou d’autres synonymes, pour dire quelque chose de foutue, abîmée, vous imaginez comment on utilise le mot baiser, dans notre culture ? la femme est toujours dans une position, de se faire avoir, avec l’idée qu’une femme qui couche avec un homme s’est faite avoir.
-Ruquier reprend : « elle s’est faite baiser » !
-Mon gardien de mon immeuble me disait, l’ascenseur est niqué, je lui disais : « oh mon Dieu! » pour dire il est cassé, c’est comme ça qu’on parle, c’est à dire que nous on est toujours dans la position de, et je trouve c’est très important pour l’émancipation des femmes, 
-Ruquier demande : « Et vous lui avez donné votre livre à votre gardien ? » 
-Non
-Polony reprend : « Mais croyez-vous que c’est l’instrumentalisation d’autrui et cette position que vous construisez comme une position de dominatrice qui va réellement résoudre cette question là ?
-Déjà, si vous voulez, que les femmes disent : on n’est pas baisé, pour sortir de cette situation d’humilation, que même les femmes qui sont dans des situations classiques, etc,… il y a l’idée que la pénétration, que l’acte sexuel, il y a quelque chose dans laquelle la femme donne quelque chose que l’homme reçoit en fait, il y a quelque chose d’une indignité qui est toujours liée à la pénétration.
-Je donne la parole à Aymeric Caron dans 30 secondes, mais quand-même je veux rappeler que c’est un livre à ne pas mettre dans toutes les mains, il faut être majeur pour le lire, il y a des dialogues à des moments donnés.. vous dîtes les hommes sont terribles mais les femmes, elles aiment ça ? quand un homme dit : « écarte les jambes que je te pisse dans ta chatte, l’urine est un désinfectant qui nettoie les putes comme toi, il faut que tu me remercies » c’est vous qui écrivez ça! Il y a des femmes qui aiment qu’on leur parle comme ça ?
-Mais euh.. je pense qu’il y a des femmes qui aiment se faire traiter comme ça… et des hommes aussi, 
-Et des hommes aussi, peut-être Aymeric Caron ? Que savons-nous de la sexualité de chacun ici ??
-Aymeric : « vous savez ce qui me manque dans ce livre par exemple, c’est ce qu’on voit dans First Kiss par exemple, c’est des gens qui s’embrassent, de l’amour.
-Ruquier : « Un grand romantique ce Aymeric n’en croyez pas un mot! »
-Mais si c’est essentiel, l’amour, certes, mais voilà puisqu’on parle de ce livre, c’est ce qu’on nous dit du sexe, la manière dont il est pratiqué, chacun est libre d’en faire ce qu’il veut, on peut ensuite apprécier ou pas l’exercice littéraire que vous avez décidé de mener autour de cette question.
-Vous êtes plutôt tendance Roumanoff, des choses simples, voilà.
-Oui voilà. Honnêtement, j’ai trouvé ça super chiant, j’ai pas d’autres mots, je peux chercher d’autres qualificatifs, euh, vous avez lu quelques uns des passages, mais malheureusement la qualité littéraire de cet ouvrage est assez faible, ça ressemble vraiment à un pastiche du livre érotique avec tous les clichés qu’on peut retrouver, la riche héritière qui décide d’avoir une vie sexuelle un peu affriolante avec son chauffeur évidemment puis l’initiation sexuelle d’une jeune femme puis on arrive dans autre chose que je ne peux pas raconter qui est d’un « clauquissisme » absolu..
-Ruquier : «  ça ne s’appelle pas Oedipe Reine pour rien, évidemment… on va quand-même donner quelques clés. 
-Voilà, c’est quelque chose, voilà, j’ai pas envie de lire ça, et puis à un moment vous racontez, et c’est pas parce-que ça parle de la jouissance féminine, on peut écrire de très jolies choses là-dessus, c’est plutôt la vision que vous en avez qui moi m’inquiète un petit peu, vous écrivez, ce qui vous gêne, c’est que chez les femmes, le plaisir féminin, orgasmique a été confisqué dans un espèce d ‘échange avec les hommes en disant : je laisse mon plaisir de côté en échange, d’un bien, de comment dirai-je, d’une progression sociale, c’est ça hein. Je me livre à toi, peu importe mon plaisir du moment ou j’ai une progression sociale, c’est un peu ce que vous racontez, page 27, et vous dénoncez cet état de fait, qu’une femme donne son corps,
-C’est un personnage, c’est Juliette
-Oui, bah
-Ruquier : « c’est un roman, bah oui. » 
-On ne peut s’empêcher, je vais quand-même vous dire ce que tout le monde pense ici sur ce plateau et que personne ose dire, 
-Non mais oh, attention, vous n’allez quand-même pas 
-Non pas vous Laurent, mais tout le monde qui est là et même dans le public, on s’interroge, on pense évidemment à Dominique Strauss-Khan, 
-« Pourquoi » répond Marcela d’une tête étrange.
-Pour pleins de raisons. Quand vous écrivez pour la femme que c’est une position condamnable que de devoir donner son corps pour obtenir des choses concrètes dans la vie et puis vous même, vous avez eu une attitude avec DSK qui s’apparente…
-Mais qu’est-ce vous savez de mon attitude, tout ce que j’ai écrit, s’apparente à DSK, vous êtes complètement dingue (faisant avec son doigt signe que sa tête ne vas bien, telle Nabila disant :  « non, mais allô »)
-Qui s’apparente à une forme de…
-Ruquier défend Marcela, moi je n’ai pas pensé à DSK dans ce bouquin là. 
-Vous avez quand-même pendant le procès que vous avez eu avec DSK, enfin, il y a un mail qui a été produit par l’équipe de DSK…
-Si vous voulez c’est une histoire ancienne. 
-Dans lequel vous lui expliquez, que vous aviez bien écrit ce livre, que vous avez bien eu cette relation avec DSK…
-Je me suis déjà expliquée
-parce-que on vous l’avez demandé, cette relation était professionnelle pour écrire un livre.
-C’est n’importe quoi, je l’ai expliqué dans une émission de télévision, chez Taddeï (2), je ne vais pas, informez-vous bien avant de recevoir des invités.
-Justement je préfère demander directement à la personne concernée, c’est ce que je fais ce soir.
-Ce n’est pas l’actualité.
-Si c’est l’actualité, je vais vous dire autre chose, il me semble même, que ce livre n’existerait pas chez Stock s’il n’y avait pas eu le précédent. 
-Vous pouvez penser tant de choses, vous savez.
-Bah oui, j’ai le droit, vous ne pouvez pas l’enlevez ça, j’ai le droit de m’exprimer aussi.
-Je trouve ça, vous voulez tout ramener à des idées fixes, des préjugés que vous avez, parlez-moi du livre plutôt, dîtes-moi ce qui vous a pas plu ? 
-Je l’ai déjà dit pendant 5 minutes, je veux bien en rajouter encore…
-Ruquier l’interrompt : « ah, surtout pas » Ne soyez pas maso vous, non plus.
-Mais laissez-moi être un peu maso, j’aime bien.
-Il paraît qu’aujourd’hui vous êtes là avec vos chiens, vous aimez les hommes encore Marcela Iacub ?
-Là c’est une question difficile.
-Parce-qu’il paraît que vos trucs, c’est les chiens, les chiens, d’ailleurs il en était question dans l’affaire DSK, pour le coup, on peut en parler, c’était une anecdote très amusante, il n’avait même pas retenu le nom de votre chien. Et aujourd’hui c’est ça, vos chiens, plus d’hommes ?
-J’ai une chienne seulement, même pas un chien garçon. Vous savez je consacre ma vie au travail, c’est très triste, c’est une vie de sacrifice intellectuelle pure. 

(A-t-elle couché pour écrire ?) 





(1) : http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/04/06/prostitution-le-parlement-adopte-definitivement-la-penalisation-des-clients_4897216_3224.html
(2) : https://www.youtube.com/watch?v=NCFx4840Ok4







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