dimanche 23 novembre 2014

Une histoire critique du mot HOMOSEXUALITÉ


Terme dérivé du grec (homos : semblable) défini par opposition au mot hétérosexualité (du grec heteros : différent) forgé vers 1880 en France. 

On attribue généralement à un écrivain hongrois nommé Karl Maria Benkert, et connu sous le pseudonyme de Kertbeny, la création en langue allemande des mots homosexualité (homosexualität), homosexualisme (homosexualismus) et homosexuel (homosexual). Ces termes apparaissent en effet pour la première fois dans deux documents anonymes que l'on présume écrits par lui, qui furent publiés en 1869 à Leipzig, et adressés au ministre prussien de la justice, Leonhardt.
Les circonstances qui ont accompagné l'invention de ces mots sont dignes d'intérêt à plus d'un titre.

Pour une histoire de l’homosexualité, voir: Aldrich, Une histoire de l’homosexualité.


« Donner une définition rigoureuse de l’homosexualité n’est pas une tâche aisée » (1) 

De Bénédict-Augustin Morel à Valentin Magnan, en passant par Richard von Krafft-Ebing, le discours considérait l'homosexualité comme une tare, une dégénérescence, caractérisant aux yeux de certains d'entre eux, une espèce ou une race toujours maudite, toujours réprouvée. À cet égard, il faut remarquer que la figure de l'homosexuel, d'Oscar Wilde à Marcel Proust, fut reçue à la fin du siècle, alors que progressait l'antisémitisme, comme un équivalent au juif : << À la haine du juif pour lui-même, écrit Hans Mayer, correspond la haine de l'homosexuel pour lui-même >>
Et cette haine pouvait fort bien, dans les deux cas, se transformer en haine de soi : haine de soi juive, comme chez Karl Kraus, Otto Weininger ou Freud, ou haine de la partie <<féminine>> de soi, comme chez Charlus qui, dans À la recherche du temps perdu, tourne en dérision les autres sodomites.  
Pour Colin Spencer, la théorie dégénérative de l'homosexualité sert un certain contrôle social, que ce soit en France devant le déclin de la natalité et l'accroissement de la criminalité et de l'alcoolisme, en Angleterre avec la crise agricole et ouvrière qui effraie les classes moyennes, ou en Amérique à une période de forte immigration menaçante pour le travail et pour la domination protestante. (2) Taxer de dégénérescence ou de perversion une certaine classe de la société permet de jeter le discrédit sur celle-ci, pour mieux la contrôler : l'homosexualité joue ici le rôle de bouc émissaire. Ainsi, l'idée souvent répandue que l'émergence du pouvoir médical favorise le sort de l'homosexuel-lle est donc fortement relativisée. Comme le souligne très justement Guy Hocquenghem, la place du pervers n'est plus spécifiquement devant le juge mais aussi devant le médecin-légiste et le psychiatre. Le droit et la psychiatrie se concurrencent pour faire triompher leur propre conception et prise en charge des pervers sexuels. <<La psychiatrie de l'homosexualité ne s'est pas substituée à la répression pénale : elle l'a plutôt accompagnée.>> (3) La maladie mentale n'empêche pas l'incarcération, comme l'illustre parfaitement un procès faisant date dans l'histoire : celui d'Oscar Wilde. 


En 1942, le régime de Vichy porte la majorité sexuelle des homosexuels à 21 ans, en 1960, une loi retient l'homosexualité comme circonstance aggravante en cas d'outrage à la pudeur. En 1965, Ellis publia un livre intitulé Homosexuality: Its Causes and Cure (l'homosexualité: ses causes et son traitement, non traduit), qui disait que l'homosexualité était une maladie et que par conséquent elle pouvait être soignée. Il fut écrit plus de dix ans après le dernier rapport Kinsey, qui a décrit le comportement homosexuel comme relativement banal, tant chez l'homme que chez la femme. En 1973 l'American Psychiatric Association a déclaré que l'homosexualité n'était plus dorénavant un trouble mental et que par conséquent elle ne devait plus être l'objet de soins, et en 1976 Albert Ellis renonçait à sa vision première dans Sex and the Liberated Man (Le sexe et l'homme libéré, non traduit), devenant un défenseur acharné des droits des homosexuels.En 1972, le député PCF de Seine-Maritime et membre du comité central et du bureau politique, Roland Leroy déclare dans l'Humanité :  <<Ce désordre ne représente pas l'avant-garde de la société, mais la pourriture du capitalisme à son déclin>> Si l'homosexualité est dépénalisée en 1982, après l'élection de François Mitterrand, elle reste une pathologie jusqu'en 1992 dans la Classification Internationale des Maladies (CIM) de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Frédéric Martel publie Le rose et le noir, Les homosexuels en France depuis 1968, en 1996 aux éditions du Seuil. Une Histoire de l'homosexualité est publiée en 2006 sous la direction de Robert Aldrich aux éditions du Seuil aussi. 


Michel Foucault publie l'Histoire de la folie à l'âge classique en 1961; mais peut-on encore lire ce livre comme une histoire de l’homosexualité, peut-on penser que ce livre a tenu place d’un travail sur l’homosexualité à une époque où il était impossible de choisir un tel sujet de thèse au sein de l’université française ? 

(1) : Corraze, J. (1992), L’homosexualité, Paris, PUF, Que sais-je.
(2) : Spencer, C. (1995). Histoire de l'homosexualité : de l'Antiquité à nos jours. Paris, éd. Le Pré aux Clercs, 1998 pour la traduction française. pp. 338-339
(3) : Hocquenghem, G. (1972). Le désir homosexuel, Paris, Fayard  pp. 61

1 commentaire:

  1. BOUGRE, ESSE. s. m. & f. Sodomite, non conformiste en amour. Sodomita. Terme proscrit parmi les honnêtes gens. Quelques-uns prétendent que ce mot vient des Bulgares, qui étoient fort attachés à l’amour des garçons, & que les vieux Auteurs appellent bougres, comme leur pays Bougrie, pour Bulgarie. D’autres, parce qu’on brûloit les coupables du crime de non-conformité, de même que les hérétiques qu’on appeloit bougres. On voit à la Chambre des Comptes un don de l’an 1473, fait à un Religieux Inquisiteur des Bougres & Albigeois. Les Albigeois furent appelés Bulgares, parce que c’est de Bulgarie que cette erreur se répandit dans ce pays-ci ; & de Bulgare, on fit Bougre. Rochefort prétend que ce mot vient de Bagoas favori d’Alexandre ; mais il n’y a point de vraisemblance ; & l’autre étymologie paroit sûre. Voyez M. de Marca, Hist. de Béarn, Liv. VIII, p. 728.
    TRIBADE, f. f. Femme impudique, amoureuse d’une autre de son sexe. Tribes. Les Grècs ont fait d’amples mentions de ces tribades.

    Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771

    Pour ce qui est de Sapho, il y en a deux, la poétesse et la courtisane. La première était de Mitylène en Lesbos, vivait dans le VIIesiècle avant Jésus-Christ, a poussé la tribadie à un grand degré de perfection, et fut exilée de Mitylène avec Alcée (Flaub., Corresp., 1853, p. 341).Chez De Nittis, deux femmes, une brune et une blonde, appuyées et mêlées l'une à l'autre au-dessus d'un piano et mariant leurs musiques et la jouissance de leurs physionomies amoureuses: cela ressemble à de la tribaderie céleste (Goncourt, Journal, 1881, p. 107).− [tʀibadʀi], [-di]. − 1resattest. 1840 tribadie (Proudhon, Propriété, p. 284), 1863 tribaderie (Goncourt, op. cit., p. 909); de tribade, suff. -ie*, -erie*. − Fréq. abs. littér.: 14.

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