samedi 23 mai 2015

Antropologie sexuelle ? de Abel Jeannière (1969) aux Éditions Aubier-Montaigne

La famille boucle le cercle, c'est là que s'épanouit ou se refoule la sexualité humaine comme c'est là, pour ou contre elle, que se pose l'interrogation. Cet essai n'est certes pas une enquête sur les valeurs familiales qu'il rencontre parfois, mais une radicale interrogation sur la génèse et l'épanouissement de la sexualité humaine. Pourquoi l'humain est-il homme et femme, masculin et féminin ? Quel est le sens ? Et par suite où est le chemin de l'épanouissement sexuel. La famille est la première réalité sociale qui nous fait aller d'un tout concret, existant comme tel, immédiat et sensible, à des individus qui se définissent par ce tout. Les comparaisons avec la génération des animaux ne permettent pas d'affleurer au niveau des explications, elle n'éclairent que les conditionnements. Ce tout, dit Hegel, apparaît comme <<une substance spirituelle.>> Étudier la famille, ce n'est pas étudier des individus vivant côte-à-côte, mais un tout dynamique ou les relations entre les personnes sont constitutives de ces personnes, dans leur singularité même. <<En tant que substantialité immédiate de l'esprit, la famille se détermine son unité sentie par l'amour, de sorte que la disposition d'esprit correspondante et la conscience d'avoir son individualité dans cette unité qui est l'essence en soi et pour soi, et de n'exister en elle comme membre et non pas comme personne pour soi.>>1 Quels sont les fondements anthropologiques de cette vie familiale ? De cette réalité humaine les fondements ne peuvent être qu'humain. <<On fonde parfois le mariage, écrit comme Hegel, non pas dans le droit naturel, mais sur un instinct sexuel naturel et on le considère comme un contrat arbitraire, ou bien on donne pour la monogamie des arguments extérieurs fondés sur une situation physique, comme le nombre des hommes et des femmes est en faveur de l'interdiction du mariage entre consanguins on ne propose que des sentiments obscurs. À la source de tout cela il y a... en général l'absence d'un concept de la raison et de la liberté.>>2 Après Hegel, Marx qui le critique, c'est-à-dire qui s'engage avec discernement sur ses pas au temps de la jeunesse, dira que le rapport homme-femme est le plus <<naturel.>> En ce sens qu'il est révélateur du niveau d'humanité acquis dans la vie sociale et qu'il manifeste <<dans quelle mesure l'homme autre en tant qu'homme est devenu pour l'homme un besoin.>>3 Quel cheminement conduit du besoin qui pousse l'espèce à se renouveler dans la multiplication des individus au goût de l'homme pour l'homme ? Quel rôle joue la sexualité en ce cheminement ? Où se situe le renversement dialectique qui met la sexualité au service de l'amour et lui permet ainsi de s'épanouir au-delà d'elle-même dans un monde humain qu'elle n'a pas créé ? 

1. G.W.F. Hegel, Principes de la philosophie du droit, § 159.
2. G.W.F. Hegel, op. cit., § 168 R.
3. Karl Marx, Manuscrit de 1844, Éditions Sociales, Paris, 1963, p. 87. 

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